La 14e Conférence annuelle des Amériques (Americas Conference), co-organisée par la Banque Mondiale et le journal The Miami Herald, s'est achevée hier, à Coral Gables, en Floride, après deux jours d'échanges entre hommes politiques, hommes d'affaires, experts et observateurs. Les thèmes débattus ont été l'immigration, le trafic de drogue ou encore les richesses naturelles et leur utilisation. Le Premier ministre Jean-Max Bellerive représentait Haïti au plus grand forum annuel des dirigeants internationaux et des leaders des gouvernements de l'Amérique latine et des Caraïbes.
Haïti: La 14e Conférence annuelle des Amériques qui s'est déroulée les 14 et 15 septembre a réuni des cadres supérieurs, des dirigeants politiques et des chefs de gouvernement de l'hémisphère parmi lesquels des orateurs confirmés tels que Mauricio Funes, président du Salvador, Arturo Valenzuela, sous-secrétaire d'État américain aux Affaires de l'hémisphère occidental ; Jean-Max Bellerive, Premier ministre d'Haïti ; Augusto de la Torre, économiste en chef pour l'Amérique latine et des Caraïbes et autres.
La conférence a débuté par une adresse spéciale de David Landsberg, président et éditeur du Miami Herald Media Company qui publie le journal Miami Herald, et de Pamela Cox, vice-présidente pour l'Amérique latine et les Caraïbes pour la Banque mondiale. Une séquence d'adresses principales portant sur les questions les plus sensibles de la région a complété la première journée.
« Cette année, la conférence est très forte, avec des orateurs principaux qui représentent l'Amérique latine dans l'évolution du paysage politique », a déclaré David Landsberg. « Nous avons aussi un groupe solide de leaders de niveau ministériel de l'ensemble de l'hémisphère, de sorte que vous pouvez compter sur un échantillon intéressant de points de vue sur les problèmes les plus pressants de la région », a-t-il annoncé.
Et, de fait, cette conférence a mis en vedette des pannels et des discussions sur des sujets importants pour l'avenir de l'Amérique latine notamment :
• Le président salvadorien Mauricio Funes, dans un discours remarqué, en a appelé à l'unité pour se saisir des différents problèmes de la région et tenter d'y trouver des solutions ;
• Arturo Valenzuela, sous-secrétaire d'État américain aux Affaires de l'hémisphère occidental, a évoqué la politique américaine et le visage politique des Amériques ;
• Le Premier ministre Jean-Max Bellerive a centré son discours autour des efforts de la reconstruction d'Haïti autant qu'autour des possibilités économiques et des défis en Amérique latine.
Le statut de l'innovation en Amérique latine et le profil du Brésil comme puissance montante dans la région ont également figuré parmi les thèmes débattus lors de cette conférence.
Bellerive : entre contraintes et résultats
C'est avec les larmes aux yeux que le Premier ministre Jean-Max Bellerive a pris la parole le mardi 15 septembre, suite à la projection du documentaire "Nou bouke" produit par le Miami Herald sur le séisme du 12 janvier 2010. « Même dans la fonction que j'occupe, chaque fois que je vois ces images, c'est toujours aussi dur ; car nous essayons d'oeuvrer pour l'avenir, mais le passé nous rattrape toujours », a-t-il avoué en prélude à son discours, tout en remerciant le Miami Herald pour sa remarquable couverture médiatique depuis le 12 janvier 2010.
D'entrée de jeu, le Premier ministre a déclaré que « même si la plus grande partie du travail qui a été effectué (depuis le séisme) n'est pas encore visible aux yeux des observateurs, je vous assure que nous faisons des progrès significatifs et travaillons activement à implémenter notre plan d'action », a-t-il dit. Pour étayer son point de vue, il a énuméré toutes les conditions extrêmement difficiles auxquelles est confronté son gouvernement, comme la relocalisation des sinistrés dans des nouveaux logements dont le coût reviendrait à 10 milliards de dollars pour 400 000 familles. De même, concernant le déblayage des débris, il a rappelé que l'USAID avait estimé qu'il faudrait 1 000 camions par jour pendant 1 000 jours pour effectuer ce travail à Port-au-Prince uniquement. « Haïti n'a jamais eu et n'a pas mille camions, et nous ne sommes en poste que depuis 240 jours ; or, ce que nous avons accompli depuis est remarquable, considérant les circonstances et les challenges », a-t-il précisé.
Après avoir rappelé toutes les contraintes et urgences qu'implique la reconstruction d'Haïti, le Premier ministre a imploré la communauté internationale de tenir ses engagements envers Haïti. « Nous implorons la communauté internationale de tenir ses promesses et d'être claire sur les termes de décaissement de ses engagements et des projets spécifiques afin que nous puissions progresser vers notre vision et nos objectifs dans un délai raisonnable », a-t-il dit. « Dans une situation aussi accablante que la nôtre, avec autant de demandes sur le plan humain, il faut du temps pour prioriser. Nous travaillons pour reconstruire une nation toute entière, non comme elle l'était, mais meilleure qu'elle ne l'était », a-t-il poursuivi.
M. Bellerive a ensuite énuméré les actions entreprises par son gouvernement depuis le séisme du 12 janvier. Selon lui, la « décentralisation est bien en cours » avec la construction des routes à travers les provinces. « À ce jour, nous avons investi près de $ 276 millions de dollars dans les infrastructures routières, ajoutant 246 kilomètres de plus dans les provinces. » Il a mis en exergue la route de Mirebalais qui sera officiellement inaugurée au début de l'année 2012 et qui relie cette ville à la capitale en seulement 35 minutes.
Au niveau des infrastructures, près de 360 kilomètres de routes et 23 ponts ont été construits pour une valeur de 580 millions de dollars. Selon le Premier ministre, « quatre-vingts pour cent (80 %) de la capacité énergétique pré-séisme ont été entièrement restaurées et notre système de communication également », a-t-il révélé en déclarant : « Notre plan est en voie de réalisation, et il fonctionne ». Il a poursuivi en annonçant que « deux larges projets » en matière de logement débuteront en octobre prochain, l'un au Fort National et l'autre au Bowen Field, totalisant $ 150 millions. Ces projets devraient accueillir 20 000 Haïtiens dans 5 000 appartements. Selon M. Bellerive, les structures des habitations dans la capitale ont été évaluées et la population est en train de retourner chez elle.
En matière d'investissements, le Premier ministre a déclaré que son gouvernement poursuit ses efforts pour que ces derniers se fassent en dehors de Port-au-Prince. À titre d'exemple, il a cité l'investissement de $ 55 millions de la compagnie Royal Caribbean International dans des projets de croisières touristiques sur la côte nord d'Haïti. « Notre plan est en voie de réalisation et il fonctionne », a-t-il fait savoir.
En ce qui concerne le secteur de l'éducation, le Premier ministre s'est réjoui de constater que 80 % des élèves qui allaient à l'école avant le 12 janvier y sont retournés, tout en rappelant que le tremblement de terre avait détruit 80 % des écoles. « Nous avons alloué $ 100 millions de financement au système scolaire », a-t-il dit tout en admettant que le pays a toujours besoin de nouveaux professeurs, éducateurs et administrateurs dont beaucoup ont péri au cours du séisme. « Nous avons encore besoin de livres et d'équipements modernes, mais nous avons réellement progressé en 240 jours. Notre plan est en voie de réalisation et il fonctionne », a-t-il répété.
Dans le secteur agricole, le Premier ministre a annoncé que « la production nationale s'est radicalement améliorée », mais sans citer d'exemple pour prouver ses dires. Il s'est contenté de rappeler que la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d'Haïti (CIRH) avait annoncé des projets à hauteur de 1,6 milliard de dollars, incluant une enveloppe de $ 200 millions pour la création de 50,000 emplois dans le secteur agricole. De même que pour le secteur de la santé, M. Bellerive s'est réjoui qu'il n'y ait pas eu d'épidémies et a souligné que « le niveau de santé (de la population) s'est en fait amélioré depuis le séisme ». Selon lui, cela est dû à la distribution massive d'eau potable et à la présence de nouvelles installations sanitaires dans le pays.
Une fois de plus, le Premier ministre a insisté sur la création d'emplois qui, pour lui, est « vitale » et constitue la « colonne vertébrale du plan d'action du gouvernement ». Il a révélé que ce dernier oeuvrait pour attirer des investisseurs dans le secteur textile, alors que le secteur privé haïtien investissait dans l'énergie, le tourisme et autres. Tout en soulignant que « le secteur privé haïtien croit dans le futur d'Haïti », il a rappelé que le gouvernement a récemment signé un accord avec le State Department des États-Unis et des investisseurs privés coréens pour la création de zones franches, tant dans le Nord du pays que dans l'aire métropolitaine. « L'objectif principal est la création d'emplois (...) car nous en avons désespérément besoin ainsi que davantage d'investissements privés », a-t-il avoué. « Nous demandons à la communauté internationale et aux investisseurs privés de croire en Haïti et d'avoir foi en notre processus électoral en agissant maintenant. Nous implorons la communauté internationale d'agir vite en respectant ses promesses pour ne pas perdre cette opportunité autant que le momentum des progrès réalisés jusqu'à aujourd'hui ».
Bellerive : entre frustration et détermination
Concient que la communauté internationale fonctionne actuellement sur le mode « wait and see » par rapport au processus électoral, M. Bellerive insiste : « La reconstruction d'Haïti ne peut pas attendre ». Rappelant que le gouvernement a rempli toutes les conditions exigées par la communauté internationale, le Premier ministre a souligné que « nous devons tous nous efforcer à livrer ce dont le pays a besoin à ce tournant historique pour Haïti. Nous devons mettre nos énergies en commun, utiliser toutes les ressources possibles et reconstruire Haïti. Parce que nous croyons tous que nous pouvons le faire. Parce que nous croyons tous que nous le ferons », a-t-il lancé.
Rappelant que la « la stabilité et la continuité sont les clés de la reconstruction», M. Jean-Max Bellerive n'a pas caché sa frustration devant la lenteur de la communauté internationale à agir et a lancé la question suivante à l'assemblée : « Que faut-il faire pour terminer le travail que nous avons commencé ? »
Selon lui, tout est prêt pour la tenue des élections, et, aujourd'hui, « nous grimpons la montagne du rétablissement et de la reconstruction, et nous ne pouvons nous permettre de supporter d'autres contraintes. La montagne est immense, mais nous apercevons son sommet, et nous y arriverons car nous avons foi en notre mission et notre chemin. Nous vous demandons, à tous, de marcher avec nous sur la route menant vers une nouvelle Haïti. Nous ne pouvons pas le faire sans votre empreinte. Nous ne pouvons pas réaliser tout cela sans vous à nos côtés. Et nous réussirons car nous croyons dans la force et l'endurance de notre peuple et sa volonté d'arriver à construire ce dont nous rêvons depuis des siècles : une Haïti prospère et la concrétisation du potentiel qu'offre cette belle île tant à sa population qu'au reste du monde », a conclu le Premier ministre.
Nancy Roc, Montréal, le 15 septembre 2010.
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http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=83631&PubDate=2010-09-15
Commentaire
Si ses larmes sont sincères, il le montrera par ses actions. Malheureusement pour lui que ses seuls larmes ne peuvent suffire car il y a de l'autre cote Préval. Que ressent-il? Quel effet a sur lui tout le processus qu'implique la reconstruction, ce qui a été fait, n'a pas été fait, aurait pu être fait, etc.? Comme c'est un personnage mystérieux, personne ne peut deviner sa pensée. Si c'est ainsi, en feignant le mystère et l'étrangeté, qu'on devient politicien (cette manière bizarre d’imiter Duvalier père ou Balaguer qu’Aristide avait déjà essayée), non merci!
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