Haïti: Il n'y aura pas de financement occulte », a déclaré à la presse le ministre de l'Economie, Ronald Baudin. Avec conviction ? Certainement pas. Pour faire référence à un grave problème de gouvernance étatique et de société ? Peut-être. D'où la vanité des bavardages officiels.
Il faut refuser deux mensonges odieux et simplistes. Avec le premier, on fait semblant d'ignorer la provenance des fonds publics et privés obtenus par certains candidats « favoris ». Au moyen du second, on veut à tout prix nous forcer à ne pas voir dans une campagne électorale médiatiquement et para-médiatiquement (disons méta-médiatiquement) flamboyante, tapageuse, boulimique, la preuve irréfutable d'un financement suspect, disproportionné, issu de l'argent sale. Le loup croque d'habitude dans toutes les bergeries.
Le phénomène est d'autant plus inquiétant qu'il s'accompagne d'une nette délégitimation des élites dirigeantes et possédantes, d'une insécurité rampante, de la montée effrénée de la corruption et d'une catastrophe nationale qui a poussé plusieurs milliers de nos concitoyens sinistrés à s'installer dans de piteux camps d'hébergement. Les spécialistes en communication de ces candidats richissimes doivent réfléchir calmement sur cette nouvelle donnée. Les directeurs d'opinion et les organismes de défense des droits humains aussi. Vont-ils étaler effroyablement leur richesse devant tant de détresse ? Est-ce que le malheur des uns peut tenir lieu de mécanisme régulateur d'une société dépourvue de repères légaux et de valeurs morales réellement partagés ? Pourquoi ne pas utiliser autant d'argent pour secourir les sans-abri ? A mesure que la campagne électorale progresse, les cris de colère et d'indignation fusent de toutes parts dans les camps de déplacés, épouvantables cloaques d'insalubrité et de souffrances, captifs de leur deuil.
A mesure que la fièvre électorale s'amplifie, avec ses financiers de tout acabit et ses innombrables profiteurs, une manière de protectorat, une rigidification de la vie dans les camps sous l'égide de la MINUSTAH, de la PNH et autres agents du Ministère de l'Intérieur tiennent lieu d'insignifiant «projet» alternatif. D'un côté, les bruits et spéculations d'une campagne électorale houleuse ; de l'autre, les horreurs d'un monde en proie au chaos. Cette société à double vitesse est un volcan, en somme.
Le temps ne viendra, sans doute pas de sitôt, où il sera possible de relier ces deux mondes avec sérénité. Si jamais il viendra un jour. Face à certains tournants et tourments d'une nation, les décennies même ne cicatrisent pas les plaies. Et devant des solidarités interclasses sociales des leaders vertueux et réformateurs, des sentiments collectifs d'altruisme et de patriotisme qui font défaut parce que les privilégiés et les décideurs restent égoïstes ou impuissants, il n'est pas exclu que les élections renforcent dans leur désarroi le camp des exclus, c'est-à-dire les victimes de cette insipide démocratie d'opinion.
Pierre-Raymond Dumas
Commentaire
Peut-on mieux traduire l'inefficacité ou l'insensibilité d'un système qui piétine l'humain au profit de principes manichéen, vagues et aériens? Au fait, qu’est-ce que la démocratie en Haïti ?
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