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samedi 11 septembre 2010

Edito

Le commencement de la fin d'un cycle
Haïti: Oscillant entre le cauchemar et le vide, le règne du « n'importe quoi », du « tout voum se do » s'est imposé: le pouvoir a perdu son lustre, tout son décorum, comme disent si bien les aînés. Cette banalisation du politique a ouvert la voie aux formes dégradées de l'individualisme et à ces mille et une dérives du protocole républicain, de l'exercice de la fonction présidentielle, ministérielle, municipale, parlementaire, diplomatique, perceptibles dans le déshonneur et l'indignité officiels. Il est néfaste de croire que les élections peuvent servir de fourre-tout à toutes les impunités et immunités : pour mettre fin à ce cycle désastreux, l'autorité politique ne peut être conférée que sur la base des valeurs morales et des critères d'éligibilité stricts. C'est pourquoi la liaison entre éducation, mérite et pouvoir est étroite. L'impréparation, l'imprévoyance et l'inertie sont des maladies contagieuses dans notre société. C'est là la clef de nos drames.

Comment y remédier ?

On ne naît pas dirigeant digne de respect ou élu valeureux, on le devient, par la pratique de la vertu et par l'éducation. Quoi de plus déplorable que cette succession de gouvernements de facto et d'élus contestés qui ont déchaîné à intervalles réguliers des sentiments de révolte et d'indignation du plus grand nombre. Vision d'un personnel politique changeant de position et d'apparence comme bon lui semble, d'une société qui, sous les dehors de la fièvre électorale, vacille sous ses bases mêmes : les anciennes générations aux résultats lamentables et la jeunesse, esseulée et prisonnière, se font face dans un total décalage. Le gouffre s'ouvre sous nos pieds lorsqu'il n'est question dans la presse que de trafic de drogue, de kidnapping et d'assassinats, de parlementaires et de ministres corrompus et médiocres, de ripoux. Un monde sale comme nos rues, en perpétuelle régression, dans lequel tout est sombre avec la fuite des cerveaux, la baisse vertigineuse de l'enseignement, le règne de l'argent facile, etc.
Rien n'est plus désespérant dans la mémoire collective que le discrédit de la classe politique et, avec, la longue et asphyxiante dérive d'une nation sans gouvernail. Ce cycle de plus de vingt ans de malheurs est en phase terminale. L'erreur fondamentale est de croire qu'on pourrait atteindre le niveau d'excellence démocratique (respect des libertés publiques, légitimité électorale, stabilité institutionnelle, égalité des droits) dans le cadre d'un Etat qui ne sanctionne pas les infractions, qui n'a plus de modèles, qui secrète les scandales et les brigandages en tous genres. Haïti, au contraire, est rongée par des difficultés et des crises profondes, explosives. Bon nombre d'entre elles ont été engendrées par l'incivisme de nos hommes politiques. Comment ce pays, débarrassé de la dictature macoute, ruiné et politiquement polarisé, pourra-t-il ressusciter, se transformer en une nation forte et respectée, un Etat de droit authentique, un pays libéré du protectorat onusien et solidaire de ses fils les plus démunis ?
Beaucoup de choses ont joué. D'abord, la « bamboche démocratique », l'effondrement des institutions (les FAD'H, par exemple), la montée du populisme et de l'affairisme. Ensuite, la violation des normes constitutionnelles et légales, l'absence de modèles et de leadership, la «dictature» des gangs criminels et des mafias économiques. L'entropie haïtienne est fille de la faillite et de la décomposition des «élites». Les mauvais dirigeants sèment toujours la désolation et la honte, même si parfois ils vont ensuite en exil.
Avons-nous compris aujourd'hui encore, après tant d'échecs, que la bonne gouvernance est inséparable de la compétence et de l'honnêteté? L'intégrité et le prestige des dirigeants sont les fondements même de l'État. Quand ils suscitent le dégoût par leurs comportements, aussi détestables qu'éhontés, le pays est «condamné», «foutu», comme on dit si souvent chez nous.
Ce sont là les signes d'une société bloquée, d'un système à bout de souffle, du vieillissement accéléré de plusieurs générations de politiciens et d'activistes discrédités. En politique, le temps des départs volontaires et des retraites anticipées est bien souvent inexorable, malgré les faux vrais repentirs et les mésalliances fracassantes.


Pierre-Raymond Dumas

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=83390&PubDate=2010-09-10

Commentaire

Parfaitement d'accord avec l'éditorialiste. Pouvons-nous faire autrement que de cautionner des élections dont nous ne savons même pas clairement qui nous tombera dessus? Peut-être faudra-t-il procéder avec prudence, mais il faut agir quand même. Malheureusement que les conditions sont celles que nous connaissons actuellement! Mais il ne semble pas y avoir d’autres moyens que de laisser cette ébauche de démocratie faire son chemin.

1 commentaire:

  1. Il nous faut de la valeur pour extérioriser ce que nous constatons, nous admettons et surtout nous refusons d'exprimer par peur d'un contre-pied à l'air du temps et au politiquement correct.
    Cette façon de choisir nos dirigeants ne nous sied pas. La démocratie a des vertus, quand le peuple est capable d'endosser sa responsabilité.
    Les cycles débutent et finissent chez nous. Ils se dupliquent en moins bien et en pire. Quand il faut choisir entre deux maux le moindre on peut prier pour que les cycles continuent et se perpétuent...HELAS!

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