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jeudi 2 septembre 2010

L'odeur des dollars de Petrocaribe

L'utilisation des dollars de Petrocaribe refait surface dans l'actualité. Suspicions, accusations, dénonciations de duplications de projets, de détournements de fonds en vue de financer les candidats de Inite, la plateforme politique du président René Préval, fusent de toutes parts...Haïti: « Je suis très surpris d'apprendre qu'après avoir « gagote » 163 millions de dollars que le pouvoir a décidé d'utiliser 103 millions provenant du programme Petrocaribe », a clamé, ulcéré, l'ex-député Steven Benoît, invité de l'émission Panel Magik, le mercredi 1er septembre 2010. Si Me Newton St-Juste n'avait pas révélé la réticence du ministre Yves Cristalin à avaliser l'allocation de nouvelles ressources sans avoir des informations lui permettant de savoir comment ont été engagés les 163 millions, les noms des compagnies et l'état d'avancement des routes qu'elles sont censées avoir construites, personne n'aurait su ce qui se passe, a concédé Benoît.
Inquisiteur, l'artisan de la loi sur le salaire minimum s'est montré sarcastique à l'égard du ministre de l'Économie et des Finances Ronald Baudin qui a déclaré qu'il « n'y aura pas de financement occulte sous son administration ». « Je voudrais que l'on me dise qui est Charles Suffrard à qui le pouvoir donne beaucoup d'argent à distribuer à des paysans dans l'Artibonite », s'est demandé l'ex-parlementaire, candidat au Sénat. « On donne de l'argent à des organisations bidon de militants de Lespwa et de Inite soit-disant pour la construction d'écoles, de curage de canaux. Pourquoi est-ce que le Parlement n'a jamais voté la loi des règlements ? Est-ce qu'il était prévu au budget que chaque candidat à la députation de Inite ait à sa disposition un véhicule tout-terrain (Toyota zo reken) ? Que ces candidats obtiennent des postes de consultants dans différents ministères ? », s'interroge l' ex-député.
Sur l'utilisation de toutes sortes d'artifices administratifs pour détourner des ressources financières du Trésor public et d'autres programmes financés par les bailleurs de fonds internationaux, l'enfant terrible de la 48e législature a confié que « la duplication des projets est monnaie courante en Haïti». Après les intempéries de 2008, plus de 197 millions ont été débloqués dans le cadre du programme Petrocaribe. Des ressources ont été affectées pour des projets déjà réalisés dans plusieurs circonscriptions. A Desdunes, on a débloqué de l'argent pour un projet d'adoquinage déjà effectué, a argumenté Steven Benoît qui s'en est pris, d'un autre côté, à deux compagnies ayant reçu, à cause de leurs accointances avec le pouvoir, quelque 32 millions pour fournir des articles comprenant des produits de première nécessité aux sinistrés du 12 janvier après la catastrophe.
« Quand on vérifie, on constate que les propriétaires de ces deux compagnies sont proches du pouvoir et comptent même des gens qui siègent au cabinet privé du président René Préval », a révélé Steven Benoît. Il s'est par ailleurs montré très acide à l'égard d'autres personnes gravitant autour du pouvoir qui ont « détourné une partie de l'aide destinée aux victimes du tremblement de terre ». « Ils ont revendu au gouvernement de l'aide destinée aux sinistrés », a-t-il dit, scandalisé, sans toutefois se leurrer car, a-t-il avancé, les choses ne vont pas changer du jour au lendemain.

Toujours dans l'attente

« Nous n'avons pas fait de nouvelle déclaration concernant l'utilisation des 197 millions de dollars de Petrocaribe parce que selon nous la situation perdure. Nous attendons toujours le résultat des enquêtes croisées qu'avait exigé la Première ministre Michèle Duvivier Pierre-Louis », a déclaré Marilyne B. Allien, responsable de la Fondation Héritage pour Haïti, un chapitre de Transparancy International, interrogé par le journal tandis que les suspicions et accusations pleuvent à mesure que l'on avance vers les élections législatives et présidentielles du 28 novembre 2010. Continuer >

Dans une déclaration faite le 8 décembre 2009, la Fondation Héritage pour Haïti (FHH) avait rappelé « que le précédent gouvernement dirigé par Mme Michèle Duvivier Pierre-Louis avait affecté une partie des fonds de PetroCaribe dans le financement du programme d'urgence post-désastre 2008 à hauteur de 197,560 millions de dollars américains. Les allégations de corruption entourant la gestion de ces fonds par les différentes entités gouvernementales ont même fait l'objet des motifs de l'interpellation de la Première ministre Michèle Duvivier Pierre-Louis et de son gouvernement par le Sénat de la République en date du 29 octobre 2009, laquelle interpellation a débouché sur un vote de censure entraînant le départ du gouvernement ».

La FHH, a poursuivi Mme Allien, avait estimé que la nation haïtienne est en droit d'être informée en toute transparence sur l'utilisation des fonds de Petrocaribe dans le cadre du Programme d'urgence post-désastre 2008 avant « d'exhorter la Cour supérieure des Comptes et du Contentieux administratif (CSC/CA), l'Inspection générale des Finances (IGF) et l'Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC) à réaliser des vérifications synchroniques de toutes les dépenses effectuées dans le cadre du Programme d'urgence, conformément à la requête formulée par l'ex-Première ministre Michèle Duvivier Pierre-Louis à travers deux correspondances datées du 28 octobre 2009 et adressées respectivement à la présidente de la Cour supérieure des Comptes et au ministre de l'Économie et des Finances ».

En ce qui concerne les allégations de favoritisme du pouvoir pour ses proches, Marilyne B. Allien invite à l'équité. « La FHH entend les mêmes allégations de financement de la plateforme Inite et de ses candidats avec l'argent des contribuables et des fonds de Petrocaribe. S'il s'avérerait que ces allégations sont fondées, cela aurait des conséquences néfastes pour la démocratie », a-t-elle fait remarquer.

L'ULCC a besoin de temps

« Le rapport de l'ULCC sur l'utilisation des 197 millions de dollars de Petrocaribe ne sera pas prêt avant cinq ou six mois. On a reçu des boîtes et des boîtes de dossiers de différents ministères », a confié M. Amos Durosier, le numéro un de l'ULCC alors que le programme Petrocaribe défraie une nouvelle fois la chronique.

"Nous avons besoin de temps pour faire notre travail. Objectivité, sérieux et intégrité sont les principes qui guident nos actions », a ajouté M. Durosier.

« Notre tâche est de questionner les rapports afin de voir s'il n'y a pas mauvaise utilisation des fonds. Nous recherchons les crimes économiques et on envoie leurs auteurs devant le commissaire du gouvernement », a-t-il expliqué avant de souligner le mécanisme de saisine de l'ULCC. « On intervient quand il y a dénonciation de corruption », a-t-il ajouté en confiant que ses services n'ont pas été saisis en vue de fournir un éclairage sur l'utilisation des 163 millions décaissés des fonds de Petrocaribe après le tremblement de terre du 12 janvier.

La promesse du président René Préval

Bien avant que ne s'ébruitent dans la presse les informations autour du conseil des ministres « animé », houleux pour certains et productif pour d'autres au cours duquel on aurait envisagé d'allouer une nouvelle enveloppe de 107 millions du fonds Petrocaribe pour la « construction de routes », le président René Préval, invité a se prononcer sur l'utilisation des 163 millions décaissés après le séisme du 12 janvier, a promis de faire le point à un moment où il y a tant de suspicions autour de la provenance des ressources financières pour les candidats de l'Inite.

Entre-temps, le 21 avril 2010, le président René Préval avait révélé que 41 244 754 dollars américains ont été décaissés sur les 163 287 848 prélevés des fonds du programme Petrocaribe, en vue de réaliser des interventions d'urgence après le séisme du 12 janvier. Jouant avec une certaine assurance la carte de la transparence, il avait étalé sur une table, à l'intention des journalistes intéressés à y jeter un oeil, les contrats et justificatifs d'autres dépenses effectuées pour l'acquisition d'équipements pour le CNE, le SEEUR, la construction de tronçons de route, la réhabilitation de l'Hôpital de l'Université d'Etat d'Haïti. « Oui, trois mois après la fin de l'état d'urgence, un rapport détaillé sera remis aux instances de vérification et de contrôle dont le Parlement, la Cour supérieure des Comptes et du Contentieux administratif », avait assuré le chef de l'Etat. Si l'on dit que l'argent n'a pas d'odeur, il semblerait que les petrodollars de Hugo Chavez en ont.


Roberson Alphonse
ralphonse@lenouvelliste.com

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=83102&PubDate=2010-09-01

Commentaire
Devons-nous dire, sans risquer de nous répéter, que les politiciens haïtiens doivent être constamment surveillés comme des enfants qui apprennent à marcher. Il faut toujours quelqu'un qui leur tape sur les doigts pour éviter qu'ils ne multiplient les bêtises. Malheureusement, avec les grands criminels, les traitements bénins n'ont jamais donné de résultat. Car il faut être insatiable et volontairement criminel pour priver de pain un peuple qui meure littéralement de faim. Le peuple, toujours lui, en paie dramatiquement les conséquences.

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