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mercredi 22 septembre 2010

Haïti se prépare à des élections générales malgré le désordre laissé par le séisme

Haïti: Sur les murs de Port-au-Prince épargnés par le terrible séisme du 12 janvier, les graffitis fleurissent. La campagne pour les élections présidentielle et législatives du 28 novembre ne commencera officiellement que le 27 septembre. Mais, déjà, les partisans de plusieurs candidats, dont Jude Célestin, le dauphin du président René Préval et l'ancien premier ministre Jacques-Edouard Alexis rivalisent à coup de bombages.
Ces élections pourront-elles avoir lieu alors que plus de 1,3 million de sinistrés croupissent dans les camps qui ont surgi dans tous les espaces libres de la capitale et qu'une partie de l'opposition appelle au boycottage des urnes ? "Il n'y a pas d'autre option que les élections, il est vital d'avoir un gouvernement légitime pour la reconstruction d'Haïti", répond Edmond Mulet, le diplomate guatémaltèque qui dirige la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah). "J'étais le 13 septembre devant le Conseil de sécurité des Nations unies, tous les intervenants, qui représentaient 26 pays, ont insisté sur l'urgence d'organiser des élections crédibles", ajoute-t-il.
Dénonçant le Conseil électoral provisoire (CEP) "à la solde du pouvoir", plusieurs partis de l'opposition boycottent "la mascarade électorale". "Préval est un anarcho-pragmatique qui a profité de la faiblesse des institutions pour racheter les parlementaires de l'opposition. La communauté internationale s'intéresse plus à la stabilité qu'à la démocratie, et une tutelle économique s'est ajoutée à la tutelle militaire", dénonce l'ancien premier ministre Rosny Smarth, porte-parole de ce rassemblement. Il réclame la formation d'un gouvernement de transition pour organiser "des élections libres, honnêtes et sans exclusion".
"J'ai conscience de cautionner un conseil électoral contesté, mais ne pas faire ces élections aurait des conséquences désastreuses pour le pays", plaide Mirlande Manigat, candidate à la présidence de l'opposition centriste. "Plus il y aura de monde à voter, moins il y aura de possibilités de magouilles", ajoute cette universitaire, qui espère réunir "entre 1 et 2 millions de dollars" pour sa campagne.
"Les préparatifs avancent bien, tout sera prêt le 28 novembre", assure Gaillot Dorsinville, le président du CEP. Ce personnage madré, tout en rondeurs, reçoit au Gold Gym, un gymnase de la banlieue de Pétionville. "Les candidats aux législatives de l'opposition ne se sont pas désistés malgré la position de leur parti et les bailleurs de fonds ont promis que nous aurons l'argent", ajoute-t-il. Le gouvernement haïtien finance le tiers des 28,9 millions de dollars nécessaires au scrutin. Le reste viendra du Canada, de l'Union européenne (UE), des Etats-Unis et du Brésil.
"Dans les camps (de sinistrés), les gens disent qu'ils n'ont pas de raison d'aller voter. Ils ont été oubliés par le gouvernement, beaucoup ont perdu leur carte", prévient Jonas Atis, jeune responsable de la fédération des organisateurs de camps. "Les leaders politiques utilisent les programmes "cash for work" ("argent contre travail" pour le déblaiement des décombres) pour gagner des voix en faveur de candidats proches du pouvoir ou des maires", ajoute-t-il.
Mêmes réticences dans les milieux aisés, sur les hauteurs de Pétionville : "Tout le monde est démoralisé, on fera notre devoir, mais ce n'est pas de gaieté de coeur, surtout avec l'insécurité qui remonte", dit la galeriste Axelle Liautaud.
De longues queues se forment devant les bureaux de l'Office national d'identification, qui délivre de nouvelles pièces d'identité. "Nous avons 150 000 cartes disponibles en Haïti et 700 000 sont stockées à New York et peuvent être envoyées sous quarante-huit heures, si nécessaire", explique Ricardo Seitenfus, le représentant de l'Organisation des Etats américains (OEA). L'OEA assiste les autorités pour la confection des nouvelles cartes et la mise à jour du registre électoral. "Cette révision va porter sur 9 % à 10 % des électeurs inscrits, décédés avant et pendant le tremblement de terre ou partis à l'étranger", calcule M. Seitenfus.
L'OEA, en collaboration avec la Communauté des Caraïbes (Caricom), va déployer la seule mission d'observation internationale des élections. Sous la direction de Colin Granderson, un diplomate trinidadien qui connaît bien Haïti, elle comptera 150 observateurs. L'ancien premier ministre français Lionel Jospin, qui vient de recueillir les préoccupations des différents acteurs lors d'une mission pour le Club de Madrid (regroupant 75 anciens chefs d'Etat et de gouvernement), regrette que l'UE n'ait pas prévu d'envoyer des observateurs.
Un regret partagé par Edmond Mulet : "Nous espérons que l'Union européenne pourra envoyer une mission d'observation électorale de haut niveau", dit le représentant du secrétaire général des Nations unies en Haïti.

Jean-Michel Caroit
Le Monde 22.09.10

http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=83828&PubDate=2010-09-21

Commentaire
Le vin étant tiré, il faudra le boire. Les élections mises sur pied par les autorités haïtiennes ne sont peut être pas la chose prioritaire dans un pays où plusieurs millions d'êtres humains meurent de faim. Cependant, rien n'ayant jamais été fait, elles peuvent néanmoins servir à organiser la société ne serait-ce que sur le seul plan statistique. Dans un pays comme Haïti, ce n'est pas peu. Que les Haïtiens en profitent donc pour pouvoir passer à autre chose.

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