Haïti: Que l'Electricité d'Haïti (ED'H) traîne depuis des lustres cette image détestable de black-out n'est pas une blague : c'est un constat. Avant le départ de Jean-Claude Duvalier en 1986, la situation n'était pas aussi désespérée. Une société qui avait fini par avoir l'électricité 24 heures sur 24 heures, qui avait connu une offre publique satisfaisante, qui avait cru au progrès rationnel se retrouve confrontée à une régression, à travers une succession de gouvernements de facto et « démocratiques », les uns plus décevants que les autres. Que s'est-il passé depuis ces vingt dernières années ?
Qu'on se prémunisse contre ces sempiternelles explications de la faillite ou de l'inefficacité de l'ED'H liées aux catastrophes naturelles, c'est un prétexte trompeur ! Le problème du secteur de l'énergie est, chez nous, qui sommes à cet égard aux premières loges, dû à une démographie galopante qui encourage sans cesse la pratique du « Konbèlann » sur un réseau totalement délabré, ponctué de pannes incessantes. Malgré les « contrats avec des firmes privées », financés par le Trésor public, l'assistance internationale et les contributions considérables de la coopération vénézuélienne, l'engrenage de l'ED'H, qui s'est enclenché comme prévu à la suite de la dernière bourrasque, conduit au même défaitisme. Nous pouvons comprendre. Comprendre notre fatalité au quotidien, notre dangereuse dérive pseudo-démocratique, notre place dans un pays qui se rétrécit, se disloque.
Dans un pays corrompu et « ingouverné » comme Haïti, où l'Etat est vu par beaucoup et a été transformé, encore davantage par les « dirigeants » de l'après-1986, en machine à distribuer des contrats léonins et des subventions à fonds perdu, l'avenir de l'ED'H fait depuis longtemps l'objet d'un doute légitime tant sur le plan administratif que sur le plan technique. A l'heure où tout doit se chiffrer, il ne serait pas inutile de pousser les investigations jusque-là. Ce pourrait être d'ailleurs l'une des tâches d'un Parlement rénové et « incorruptible », l'une des préoccupations électorales et l'un des moyens de susciter partout la priorité à la couverture électrique nationale. Des choix mafieux entraînent toujours de mauvais résultats. Le réseau, de plus en plus précarisé, pourri, laissé en l'état depuis l'époque macoute, en est un. Abdication ou laxisme ? Ne rien faire, c'est devenu aujourd'hui une source d'habileté politique, de « stabilité » Mais qui peut alors empêcher les responsables gouvernementaux de discourir ici ou à l'étranger sur la croissance économique, les investissements privés ou la politique de l'énergie?
L'idée d'un développement planifié s'efface devant une cacophonie de scandales financiers et une absence de vision stratégique qui coïncident avec des crises politiques fréquentes et des catastrophes naturelles dévastatrices. Les Haïtiens, comme en écho au désir de voir émerger des hommes et des femmes politiques compétents et vertueux, se cherchent de vrais instruments de progrès et d'action innovante. Derrière les candidats et leurs programmes ou, à défaut, leur passé (ou passif), le rituel électoral est l'occasion pour le pays de choisir les meilleurs, les plus capables, les dirigeants à même de donner un nouvel élan après tant d'échecs et de « black-out ».
Pierre-Raymond Dumas
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=84481&PubDate=2010-10-12
Commentaire
Peut-on mieux traduire le désastre des gouvernements haïtiens qui ne concerne pas que l'électricité. Cela est vrai dans tous les domaines : routes, ponts, édifices publiques, ports, aéroports, écoles publiques et privées ; bref, sauf un changement radical, total (d’abord dans la mentalité des dirigeants) pourrait améliorer la situation!
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