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dimanche 31 octobre 2010

Un pôle de croissance pour le Nord

Haïti: Le processus de décentralisation prôné par la Constitution de 1987 a franchi une étape décisive avec le lancement jeudi, dans la métropole du Nord, du projet de développement d'un pôle de croissance dans le Nord. A cette occasion, une importante délégation gouvernementale conduite par le ministre de l'Economie et des Finances, Ronald Baudin, des représentants de la Banque interaméricaine de Développement (BID), de l'Agence américaine pour le Développement international (USAID), des représentants de l'Union européenne et des représentants de secteur privé des affaires notamment ceux du Grand Nord, ont pris part à la conférence de lancement de ce grand projet.
L'objectif de cette conférence de lancement selon l'un des représentants de la BID M. Eduardo Almeida était d'expliquer au grand public la raison d'être du programme de développement du Nord et aussi d'écouter les propositions des autres parties concernées et leur donner l'opportunité de former un réseau en vue de travailler conjointement à la réalisation de ce projet.
Doté de grandes potentialités touristique, agricole et industrielle, le Nord (particulièrement le département du Nord et du Nord-Est) réunit presque toutes les conditions pour devenir un pôle générateur de croissance et d'emplois et surtout un exutoire idéal pour le décongestionnement de la République de Port-au-Prince qui succombe sous le poids d'une centralisation à outrance. Ce problème est à la base de la décision du gouvernement haïtien d'établir un pôle de développement dans le nord du pays, à en croire les propos du ministre des Finances Ronald Baudin, au moment de faire l'historique de ce projet.
« L'idée d'un pôle de développement dans le Nord n'est pas nouvelle. Elle remonte à bien avant le 12 janvier. Sauf que cette catastrophe nous a confortés dans la décision de délester Port-au-Prince. Dès le lendemain du 12 janvier, le gouvernement a décrété clairement son option en faveur de la décentralisation. Et cette option a été matérialisée dans le plan d'action pour le relèvement et le développement d'Haïti qui a été présenté à New York le 31 mars 2010 », a indiqué le grand argentier de la République qui souligne au passage que le choix du Nord pour l'établissement de ce pôle n'est pas innocent.
C'est une région qui a un grand potentiel touristique (Labadee, Citadelle, etc.) et agricole. L'ouverture qu'elle offre sur des pays comme les Etats-Unis, la République Dominicaine, les Bahamas fait du Grand Nord une région apte à accueillir de grands investissements industriels. Cela explique en quelque sorte les investissements consentis par le gouvernement dans cette zone avec notamment le réaménagement du port de Labadee, la construction de la route Cap/Ouanaminthe, la construction d'une nouvelle centrale thermique et le chantier en cours actuellement pour non seulement l'établissement d'une centrale électrique à Carrefour Chevry situé à mi-chemin de Ouanaminthe et de Fort-Liberté, mais aussi pour raccorder cette centrale à tout le réseau du Nord-Est.
Selon Ronald Baudin, il y a d'autres chantiers qui sont ou bien en cours ou bien qui ont des contrats déjà signés tels que l'aéroport du Cap-Haïtien qui va faire l'objet de grands travaux d'agrandissement et de modernisation, la réfection des rues du Cap-Haïtien, un nouveau pont à la place du pont Hyppolite.
Tous ces travaux énoncés par le titulaire du ministère des Finances sont pour signifier au grand public que le projet de la création d'un pôle de croissance dans le Nord et le Nord-Est était déjà là. « Et quand la BID nous a approchés pour nous proposer l'idée de faire une grande concentration dans ces deux départements, cela était perçu comme une tentative d'enfoncer une porte ouverte », a déclaré M. Baudin qui a exprimé la volonté de continuer à rencontrer régulièrement les gens d'affaires du Nord et du Nord-Est, non seulement pour les mettre au courant du projet du gouvernement pour cette zone, mais aussi pour avoir leur avis sur l'acheminement de ce projet.
Le ministre des Finances a profité de son allocution pour inviter le secteur privé à investir dans ce projet. « Car si on s'arrêtait aux seuls investissements publics dans les infrastructures économiques, nous aurions raté notre initiative », dit Baudin, qui souhaite que le secteur privé du Nord et du Nord-Est retrouve plus d'allant et plus d'enthousiasme, et surtout qu'il soit plus imaginatif pour pouvoir tirer le meilleur de ce pôle de croissance.
De son côté, le gouvernement promet de faire tout ce qui est en son pouvoir pour enlever toutes les épines qui habituellement jalonnent la route du potentiel investisseur, en vue de faciliter les investissements privés.
Dans le cadre de l'établissement de ce pôle de croissance, trois filières seront privilégiées : le tourisme, l'agriculture et l'industrie. Cela explique la présence, à cette cérémonie de lancement, des trois titulaires des ministères précités, respectivement Patrick Delatour, Josselyne C. Féthière, Joanas Gué, qui ont, tour à tour, pris la parole pour faire part de ce que sera la contribution de leur ministère dans ce grand projet.
Pour la ministre du Commerce, Josselyne Féthière, la question de la création de pôle de croissance a été déjà agitée depuis l'année dernière par la Commission présidentielle sur la Compétitivité. Et déjà, le Nord était, d'un point de vue commun, la première région susceptible d'accueillir un pôle de croissance. Et tout à coup survint le 12 janvier. Cependant, cette catastrophe a un peu épargné la zone industrielle, et loin de ralentir les activités, les demandes étrangères avaient augmenté, explique Mme Féthière qui dit constater, depuis ces derniers temps un déficit d'espace pour les demandes qui arrivaient.
Face à cette situation, les autorités haïtiennes soutenues par la BID, ont envisagé la construction d'un parc industriel moderne dans le pôle de croissance du Nord. Les Coréens, très intéressés par le textile, ont manifesté leur intérêt pour y implanter une usine. Des compagnies brésiliennes également ont manifesté le désir de venir s'implanter en Haïti, a précisé la titulaire du Commerce et de l'Industrie, qui croit que le mieux pour le gouvernement haïtien est de créer l'environnement nécessaire pour permettre aux investisseurs étrangers d'apporter leur contribution au développement du pays.
Pour le ministre du Tourisme, Patrick Delatour, participer à une réunion de ce genre pour lui est l'aboutissement d'à peu près cinq ans de réflexions, de communication et de débats dans un contexte de partenariat entre le secteur public et le secteur privé. Cela allait déboucher sur un Plan Directeur Tourisme que nous avons versé dans la discussion de l'ouverture d'un pôle qui serait le pôle Nord.
Le ministre Delatour, comme nul autre avant lui, a posé le problème du développement du Nord qui ne peut se faire qu'avec le leadership de la communauté du Nord, que ce soit la communauté politique ou économique.
Plus loin, l'architecte pense que la discussion devrait déboucher sur deux grandes questions, à savoir : C'est quoi le grand plan de développement du Nord, et comment s'articule ce plan au niveau de l'aménagement du territoire, au niveau de zonage, en prenant en compte des problèmes comme le centre-ville de la ville historique du Cap qui est la base de tout le programme de développement touristique de la région. Qu'est-ce qu'on en va faire ?
D'autre part, s'interroge t-il, comment va-t-on gérer la croissance exponentielle de cette ville qui fait que la nouvelle ville du Cap est en train d'étouffer l'ancienne ?
M. Delatour s'inquiète de la gestion et de la gérance de ce développement dans un pays où, dit-il, justement, nous avons tendance à laisser à l'individu le soin de décider de son destin et de son futur. Exemple: la situation après le 12 janvier, où les victimes n'ont pas attendu qu'il y ait un programme proposé par le gouvernement pour décider quelles solutions elles allaient prendre par rapport à leur programme d'habitat.
Selon Delatour, on risque d'avoir le même problème dès qu'on aura décidé d'implanter un parc, une destination touristique ou une activité économique. Cela implique qu'il y ait un plan d'aménagement émanant strictement de la réflexion des gens du Nord.
De son côté, le ministre de l'Agriculture Joanas Gué a entretenu l'assistance sur les réflexions initiées avant le 12 janvier au niveau de son ministère devant aboutir à l'élaboration d'un plan d'investissement agricole afin de valoriser les différentes potentialités de ce secteur. Et, en ce sens, la région du Nord a été considérée comme un point d'investissement à cause du niveau de potentialité lié à certaines zones partant du plateau irrigué de St-Raphaël, passant par les zones de montagnes humides de Dondon, Grande Rivière du Nord et à l'ouest de Plaisance, Limbé, Port-Margot, Borgne pour le développement de l'arboriculture fruitière, jusqu'à la rive nord des plaines irriguées du nord et aussi des plaines sèches du Trou-du-Nord de Terrier-Rouge jusqu'à la région de Maribahoux.
Selon Joanas Gué, le but de sa présence à la conférence de lancement c'est de voir avec l'ensemble des acteurs qui vont être impliqués dans le secteur agricole quelles sont effectivement les orientations et comment mettre ensemble les ressources du secteur privé et du secteur public pour mieux valoriser les potentialités du département du Nord.
Un panel composé d'hommes d'affaires, dont Georges Sassine de la CTMO-HOPE et Grégory Brandt ont fait valoir leur point de vue par rapport au programme de développement du pôle Nord. M. Sassine après une brève mise en contexte de CTMO-HOPE et le rappel de sa visite au Cap il y a deux ans pour informer la communauté d'affaires du Nord de l'intention de la BID de construire un parc industriel dans la région, a entretenu l'assistance sur les offres étrangères d'implantations d'industries dans le pays. Le parc industriel moderne dont a fait mention la ministre du Commerce, peut être une réalité dans les deux prochaines années, a annoncé Georges Sassine qui rappelle que ce parc sera installé à l'est de la ville du Cap.
Pour sa part, Grégory Brandt a mis l'accent sur la nécessité des infrastructures dans tout projet de décentralisation. Pas de décentralisation sans un fort appui des infrastructures en ports et aéroports. Car les produits que nous comptons mettre sur le marché international doivent pouvoir sans difficultés transiter par nos ports et aéroports. Face à cette situation de quasi-dénuement dans ce domaine, M. Brandt appelle le secteur des affaires capois à s'ouvrir aux investissements et partenariats étrangers.
Après le secteur des affaires, c'était au tour des bailleurs de fonds de donner leur point de vue sur ce projet de développement de pôle de croissance du Nord. Ericq Pierre, le représentant d'Haïti au Conseil d'administration de la BID a parlé de son engagement vis-àvis d'Haïti. C'est un engagement qui date de 50 ans, dit-il et selon lui malgré le rôle important qu'Haïti a joué dans la création de cette institution, le pays ne participe pas assez dans le fonctionnement de la BID.
Parlant des actions de la Banque interaméricaine de développement en faveur d'Haïti, Ericq Pierre a mentionné les 500 millions de dollars de dette que la BID a éliminés pour Haïti en 2007. Après le séisme, la Banque a également éliminé la totalité des dettes haïtiennes évaluées à plus de 450 millions de dollars. A côté de cela, la BID s'est engagée à offrir un don annuel de 200 millions de à Haïti sur une période de 10 ans.
Tenant de compte de cette situation qui n'est pas totalement reluisante pour l'image du pays, M. Pierre se demande pendant combien de temps encore Haïti va rester un pays qui ne peut recevoir que des dons. Que vont faire les dirigeants haïtiens pour corriger cet état de fait ?
Le représentant de l'USAID à la conférence de lancement, M. Anthony Chan, a laissé entendre au cours de son allocution que « cet événement marque un tournant décisif dans la coopération internationale en Haïti. C'est la preuve que tous les bailleurs de fonds ont harmonisé leurs efforts et ainsi évité la duplication de leurs travaux qui a longtemps affaibli notre support à Haïti ».
En ce qui a trait au département du Nord, a précisé M. Chan, l'objectif du gouvernement américain est de favoriser le développement des potentialités et soutenir le développement du secteur industriel pour créer des emplois durables. Les investissements supplémentaires vont renforcer les résultats obtenus par les autres projets de l'USAID qui fonctionnaient déjà dans la région selon le représentant de l'USAID qui réaffirme le soutien du gouvernement son soutien au plan d'investissement agricole préparé par le gouvernement haïtien avec le support de la communauté internationale.
Mme Lut Fabert, représentante de l'Union européenne, à travers son exposé, a laissé entrevoir que la contribution de l'UE dans ce grand projet de développement du Nord se situera surtout au niveau des infrastructures. En ce sens, elle a annoncé la continuation de son programme de construction routière sur la Route nationale #3. Ce travail va aboutir au rétablissement d'un lien plus direct entre Cap-Haïtien et la capitale. L'UE a travaillé également depuis quelques années dans des projets de sécurité alimentaire dans le département du Centre. Récemment, elle a lancé des activités d'amélioration de technologie agricole dans les régions de St-Raphaël et Fort-Liberté.
Selon Mme Fabert, le Cap-Haïtien doit pouvoir garantir à sa population une meilleure opportunité d'emploi. Cela explique l'apport de l'UE à ce programme qui va permettre une meilleure répartition des richesses et des possibilités d'emploi à cette importante partie de la population haïtienne.
L'un des traits marquants de cette cérémonie de lancement a été l'absence très remarquée des autorités capoises. Le maire et le délégué n'y ont point mis leur nez. Autre sujet d'inquiétude au cours de cette manifestation, c'est la déclaration du président de la Chambre de Commerce et d'Industrie du Nord, M. Malherbe Dorvil, qui a indiqué n'avoir aucun problème avec le projet. Toutefois, son grief c'est de n'avoir pas été partie prenante du programme. Il dit souhaiter que les initiateurs de ce projet s'asseyent avec les représentants du Nord pour discuter de sa faisabilité de ce projet.
A ce sujet, M. Dorvil a eu la garantie du ministre des Finances, M. Ronald Baudin, qui a souligné à l'adresse de l'homme d'affaires capois que le projet est loin d'être un produit fini. « Nous venons à peine d'entamer la réflexion sur le grand programme et nous avons décidé de venir continuer cette réflexion avec vous », a soutenu M. Baudin en vue de calmer les appréhensions du secteur des affaires capois.

Cyprien L. Gary
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=85216&PubDate=2010-10-29

Commentaire
Ces projets sont tellement beaux! Mais seulement sur le papier. L'état haïtien nous a habitués à ces innombrables projets dont le seul objectif est de soutirer de l'argent, au nom du peuple, aux organismes internationaux pour renflouer les comptes en banque de quelques fonctionnaires malicieux et inconscients. Ce fameux projet de décentralisation dans le Nord réussira-t-il à nous faire oublier cette tradition maudite? Le gouvernement actuel, l'un des plus incapables que nous ayons eus avec ceux d'Aristide, mettra-t-il le nez dans ce projet dans un sens ou dans un autre sans risquer de l'altérer? Voilà des appréhensions parfaitement légitimes pour ceux qui savent comment les choses ont toujours fonctionné dans ce pays. Que l'action des nouveaux acteurs nous empêchent d'avoir raison! Ce serait une immense victoire pour le pays.

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