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dimanche 17 octobre 2010

EDITO

Savoir construire ne s'improvise pas
Haïti: Le Parc Historique de la Canne à Sucre, qui reçoit ce week-end Artisanat en Fête, avait subi les dommages du séisme du 12 janvier de plein fouet.
Le magasin Valerio Canez qui le jouxte n'avait pas été épargné non plus.
Une caméra de surveillance de l'ambassade américaine, située juste en face, avait saisi au moment du tremblement de terre la danse des murs de cette imposante construction. Cette vidéo a fait le tour du net.
Avec la destruction du Palais national et des vues de l'enceinte de Palmera Market, ces images prises sur le vif par des caméras de surveillance resteront les témoignages filmés les plus éloquents des longues secondes du séisme.
Neuf mois plus tard, le magasin dévasté est à la veille de sa réouverture et la majestueuse cheminée coloniale du Parc, adossée à la scène, a été totalement refaite à l'identique.
Elle se dresse aujourd'hui comme une preuve virile de la renaissance de ce lieu, où était érigée il y a quelques siècles une habitation coloniale.
La famille Auguste, dans ce lieu de conservation de notre mémoire, a abattu un travail remarquable qu'il convient de saluer.
« Ils l'ont fait parce qu'ils savent travailler », a conclu admiratif un visiteur du Parc ce vendredi, émerveillé aussi par le déploiement des artisans, qui garnissaient leurs tentes de merveilles tout droit sorties de leur imagination en vue de participer à Artisanat en Fête.
Y a-t-il une leçon à tirer de ce qui s'est passé au Parc Historique et au magasin Valerio Canez, quand on compare les résultats obtenus par une famille d'entrepreneurs à la pagaille des multiples organisations qui se sont improvisées comme des bâtisseurs depuis le 12 janvier ?
Oui, il y a des leçons éclairantes à méditer après comparaison. Chez les Canez, le leadership est clair. L'objectif précis. Tout le reste coule de source.
« C'est étourdissant de voir le nombre d'organisations qui veulent s'impliquer. Les efforts sont trop éparpillés », affirme Michaëlle Jean, envoyée spéciale de l'UNESCO pour Haïti, qui intervenait hier dans la presse sur la reconstruction d'Haïti.
Mme Jean a raison. Nos chères ONG, notre gouvernement et les organisations internationales qui interviennent devraient intervenir, disent les mauvaises langues, mais ne prennent pas la leçon de ce qui se fait sur le terrain.
Au lieu de chercher à tout gérer, à faire grimper les prix, à se marcher sur les pieds, ils auraient mieux fait de faire baisser le coût des matériaux. De reconstruire, nous nous en serions chargés mieux qu'eux, et moins cher qu'eux.
Car, comment lire le bilan présenté ce jeudi par plusieurs organisations intervenant dans le domaine du logement en Haïti, neuf mois après le séisme de janvier dernier ?
Selon une dépêche de l'Agence Haïtienne de Presse (AHP), l'officier de communication de CHF International, Jude Martinez Claircidor, a fait savoir que son organisation a déjà construit plus de 1900 abris transitionnels au profit des victimes à Port-au-Prince.

Ce sont des abris provisoires construits sur une superficie de 18 mètres carrés et qui peuvent résister au mauvais temps, ajoutant que pour Port-au-Prince, l'objectif est de construire 2 500 unités.

A Léogâne, où 1 800 unités devraient être construites, plus de 700 ont déjà été remises à leurs bénéficiaires, a-t-il dit, rappelant que l'atelier de fabrication de ces structures se trouve également dans cette commune. Plus de 1 000 jeunes Haïtiens y travaillent actuellement, a indiqué M. Claircidor.

Pour sa part, le représentant de l'ONG Habitat pour l'Humanité, Léon Barthélemy, a fait savoir que plus de 1000 abris transitoires ont déjà été construits et distribués aux victimes du séisme de janvier.

18 000 kits d'abris d'urgence ont également été distribués, a-t-il dit, précisant que l'objectif de son organisation est de desservir environ 50 000 familles.

La vision d'Habitat pour l'Humanité est de s'assurer que chaque personne ait une maison décente pour vivre et d'aider à résoudre les problèmes de logement qui existaient bien avant le drame de janvier.

De son côté, le responsable de communication de la Croix-Rouge Haïtienne, Périclès Jean-Baptiste, a indiqué que le but poursuivi par cette organisation est de venir en aide à environ 30 000 familles.

Déjà, a-t-il dit, 1 456 abris transitionnels ont été construits et distribués aux bénéficiaires.

C'est loin de notre objectif, reconnaît-il, faisant état de difficultés liées notamment à la vérification des titres de propriété, le déblaiement des maisons effondrées et l'accessibilité aux terrains pour la construction des abris, rapporte la dépêche de l'Agence Haïtienne de Presse (AHP) citée plus haut.
A ce rythme, quand on sait que les autres organisations, ONG et organismes publics n'ont pas de meilleurs bilans à présenter, la reconstruction n'est pas pour demain. Les millions, les milliards ne suffiront pas pour y parvenir.


Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=84699&PubDate=2010-10-15

Commentaire
Enfin une voix lucide! Je lis depuis toujours les éditoriaux de M. Duval et chaque fois, il y a un ingrédient nouveau, une nouvelle éloquence. Et pourtant, comme tant d'autres haïtiens, conscients, sincères, désireux d'être témoins d'un vrai changement, il pointe du doigt les mêmes problèmes. Seraient-ils condamnés à prêcher dans le désert? N'y a-t-il point d'oreilles capables de les entendre? C'est lamentable que des gens qui font leur travail, des associations de professionnels, des syndicats, des journalistes, etc. qui voient et qui disent ce qu'ils voient ne soient jamais écoutés. Les intervenants dans la crise haïtienne, le gouvernement en tout premier lieu, mais aussi les ONG, ont-ils intérêt à ce que le problème soit vraiment résolu ou en ont-ils besoin au contraire pour justifier leurs propres "exhibitions inutiles"? Voilà une autre question que l'on pourrait à bon droit se poser. En résolvant réellement les problèmes - car ils peuvent être résolus puisque le mot fatalité ne saurait exister que pour les seuls Haïtiens - ont-ils peur de tomber dans l'anonymat, de ne plus avoir de raison de justifier leur existence ? Là, l'intervention concerne surtout les ONG, mais le gouvernement pour sa part a horreur de travailler dans "un environnement sain". Ou mettrait-il les assoiffés de richesse rapide et les amateurs de "magouilles obscures"? C'est le seul point sur lequel il y a consensus en Haïti entre tous les gouvernements!

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